La coopération suisse au Honduras

Entwicklungspolitik

Depuis le coup d’Etat de 2009, le Honduras est victime d’une militarisation croissante, de taux d’assassinats et d’impunité records, ainsi que de corruption et d’inégalité grandissantes. Dans ce contexte, quelle est la stratégie de la coopération suisse au Honduras ?

Le 29 janvier 2015, le Président Obama a sollicité au Congrès américain un budget d’un milliard destiné à un projet d’aide en Amérique Centrale (Honduras, Guatemala et Salvador) appelé Alliance pour la Paix et la Prospérité du Triangle Nord. Depuis, le débat s’est ouvert sur la capacité de ce plan à réellement endiguer les problèmes économiques et sécuritaires de ces pays. Dans sa majorité, les spécialistes du Honduras dénoncent un plan récompensant les responsables de ces problèmes, c’est-à-dire les entreprises privées ainsi que l’oligarchie. Cette question nous renvoie aux défis que la coopération internationale (CI) rencontre dans ce pays : illustration au travers du cas suisse.

La stratégie de la coopération suisse en Amérique Centrale pour 2013-2017alloue annuellement 20 millions au Honduras, 20 millions au Nicaragua ainsi que 10 millions pour des programmes régionaux du sous-continent. Le budget de la DDC à Tegucigalpa se répartit en trois piliers : 1. Le développement économique au travers de l’aide aux petits producteurs 2. La réduction de la fragilité de l’Etat (appui au secteur de sécurité et promotion des droits de l’homme) et de la gouvernabilité par le renforcement organisationnel des municipalités 3. Changement climatique par le renforcement de la capacité de préparation et d’adaptation des populations rurales. Si ce chiffre est plutôt important pour la taille du pays, et si le bureau de la DDC à Tegucigalpa est en phase d’expansion, les défis que rencontre la coopération suisse dans ce pays sont importants.

Comme l’explique Walter Reithebuch, Directeur adjoint du bureau de la DDC à Tegucigalpa, il n’existe pas de politique uniforme au niveau du gouvernement hondurien face à la CI. L’accès à l’administration étatique est relativement ouvert, mais celui aux sphères décisionnelles du gouvernement est plus entravé. Par conséquent, chaque agence de coopération nationale négocie de manière bilatérale la mise en œuvre de ses projets. La multiplication de ceux-ci (actuellement 98 à l’échelle nationale uniquement dans le domaine sécurité/justice/droits de l’homme) s’inscrit en contradiction avec la Déclaration de Paris (2005) et le Partenariat de Busan (2011) relatifs à l’efficacité de l’aide au développement, et dans lesquels les Etats se sont engagés à travailler de manière coordonnée. Au Honduras, ces déclarations n’ont pas été suffisamment internalisées par les donateurs. Cette situation diminue de manière conséquente l’efficacité de l’aide internationale. Toujours selon Walter Reithebuch, le gouvernement hondurien n’a lui-même pas consolidé le processus visant à une CI unifiée dont les projets sont bien coordonnés. L’aboutissement d’un tel processus le confronterait en effet à un partenaire plus influent, ce même si le montant total des dons de la CI pour Honduras ne représente que 4% environ du PIB hondurien.

Depuis le coup d’Etat de 2009, le contexte dans lequel la coopération suisse agit a évolué, le pays étant victime d’une remilitarisation et d’un climat de violations des Droits de l’homme accrus. Avec des projets qui s’engagent sur 10 ou 15 ans, la politique suisse en matière de coopération se développe et s’adapte selon les évolutions du contexte, tout en cherchant un équilibre entre la continuation (pérennité) et les changements nécessaires selon les circonstances. Comme le souligne le Directeur adjoint du bureau de la DDC à Tegucigalpa, le rôle de la coopération suisse n’est pas de dénoncer la situation, mais d’aider le gouvernement à assumer ses responsabilités, et appuyer à des processus de renforcement de l’état de droit, dans lequel la société civile a un rôle très important à jouer. Durant le mandat du Président Lobo (le prédécesseur de l’actuel Président Juan Orlando Hernandez : JOH), il y avait selon Walter Reithebuch un plus grand espace pour la coopération puisque le gouvernement recherchait un regain de légitimité internationale. Le gouvernement de JOH a quant à lui mis d’autres priorités à l’agenda. Il s’agit malgré cela d’identifier des intérêts communs et des points d’entrée pour développer l’espace pour la coopération. Par exemple, un pas en ce sens, toujours aux yeux du Directeur adjoint de la DDC à Tegucigalpa, est la nomination d’un nouveau Ministre de la Sécurité et la réunion de deux fonctions centrales – planification stratégique et coopération internationale – pour n’être exercées que par une seule personne. Notons toutefois que cette nomination d’un militaire à une fonction étatique a été dénoncée par la société civile puisque c’est la première fois depuis le processus de démilitarisation des années 90 entrepris par l’ancien Président Reina qu’un militaire en service devient Ministre de la sécurité.

Le Directeur adjoint de la DDC à Tegucigalpa considère qu’il est important que la coopération internationale travaille dans le renforcement de l’état de droit (promotion des droits de l’homme, lutte contre l’impunité et la corruption). Comme il l’explique, la Coopération suisse met l’accent sur son programme actuel (2013-2017) qui consiste en la réduction des conflits et la promotion de paix au travers de la méthodologie « gestion de programmes sensibles aux conflits » (Conflict Sensitive Programme Management CSPR), ainsi que sur des projets qui promeuvent les droits de l’homme et la lutte contre l’impunité.

La coopération suisse travaille aussi avec la société civile ou avec des institutions comme le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (OHCHR). C’est pour cela que la Suisse a répondu favorablement à la demande de financement d’un bureau national de l’OHCHR à Tegucigalpa. Pour l’instant, les Etats-Unis et l’Espagne se sont engagés financièrement dans ce projet au côté de la Suisse. La thématique des Droits de l’homme au Honduras représente une part relativement petite de l’investissement de la CI, contrairement à des pays comme le Guatemala.

Du point de vue de la société civile, cette demande hondurienne à l’ONU d’ouvrir un bureau du OHCHR à Tegucigalpa est suspectée d’être le résultat de pressions américaines en échange du milliard destiné à l’Alliance pour la Paix et la Sécurité du Triangle Nord. D’où la nécessité que le mandat de ce bureau mette des priorités claires, et que son indépendance soit garantie.