Briefing de politique étrangère: Migration

En plein cœur de l’automne électoral 2023, nous lançons une série de briefings de politique étrangère concis. Dans ces 14 briefings thématiques, 23 auteur·e·s reflètent la diversité des défis de politique étrangère qui ont occupé les parlementaires ces quatre dernières années et qui détermineront l’agenda politique dans un avenir proche ou moyen. Jusqu’aux élections nationales du 22 octobre, nous publions également les briefings de politique étrangère sous forme de série de blogs. 

Migration

Executive Summary 

– La Suisse va renforcer son engagement au sein de Frontex suite à l’acceptation du référendum en mai 2022.

– D’importants débats en matière d’asile sont attendus, notamment concernant la répartition des personnes réfugiées entre pays européens et la potentielle conversion du statut S en autorisation de séjour (permis B).

– L’aggravation de la pénurie de main-d’œuvre est un défi majeur pour l’économie suisse avec le risque d’une perte d’attractivité internationale. 

 

Rétrospective

Durant la dernière législature, la Suisse a poursuivi sa participation dans le régime d’asile européen commun (RAEC). Après que la Suisse a accepté en mai 2022 de participer au développement de Frontex, l’accent est désormais mis sur la mise en œuvre. À l’avenir, 10 000 spécialistes européen·ne·s seront disponibles en tant que réserve permanente de main-d’œuvre qualifiée. De plus, 40 observateurs des droits fondamentaux, dont 2 Suisses, seront engagés. Avec cette extension, le Conseil fédéral fait valoir que la Suisse souhaite participer plus activement au conseil d’administration de Frontex et s’engager pour le respect des droits fondamentaux. Avec l’envoi de deux personnes, l’influence de la Suisse sera limitée. Ce détachement sera pourtant indispensable pour chercher à exercer une influence crédible au sein du conseil d’administration. En tant qu’Etat associé, la Suisse ne dispose d’un droit de vote qu’en ce qui concerne ses frontières extérieures, son personnel et ses ressources.

La Suisse a comptabilisé 24 511 demandes d’asile en 2022 en plus d’avoir accordé le statut S à 74 959 personnes – statut qui a été activé pour la première fois en raison de l’invasion de l’Ukraine. Cette situation inédite par son nombre n’a pas été sans poser certains problèmes logistiques, notamment en ce qui concerne le trop faible nombre de places d’accueil disponibles dans les centres fédéraux. Un important retard a été pris dans les procédures d’asile. Cela a suscité un large mécontentement de la part des cantons qui ont dû accueillir de nombreuses personnes en procédure étendue. Le Conseil fédéral a sollicité au printemps 2023 un vote du parlement sur un crédit de 132,9 millions de francs pour la construction de nouvelles solutions d’accueil. Le Conseil des États ayant refusé d’accorder le crédit demandé, la question du financement du système d’asile, notamment pour le logement, sera certainement centrale durant la prochaine législature.

En même temps, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Suisse s’est encore aggravée ces dernières années. Même en exploitant le potentiel existant de main-d’œuvre locale, l’économie suisse demeure tributaire de la main-d’œuvre étrangère.

 

Perspectives

La réforme envisagée du système d’asile par le Pacte européen sur la migration et l’asile va sans doute être un sujet majeur pour le Parlement suisse dès le début de la nouvelle législature. Le système Dublin montre ses limites depuis de nombreuses années. Dernièrement le gouvernement suisse s’est inquiété du refus de l’Italie de ne plus reprendre les personnes ayant été enregistrées en premier lieu par les autorités italiennes. De son côté, l’Allemagne et l’Autriche reprochent à la Confédération helvétique de ne pas enregistrer des personnes migrantes en transit sur le territoire suisse. Les renvois « Dublin Croatie », Etat ou le respect des droits fondamentaux des migrants ne serait pas garanti, notamment dans les zones frontalières, ont également été critiqués. 

Le Pacte européen propose quant à lui une répartition par quotas des personnes migrantes entre les différents pays européens. Les pays qui refuseraient d’accueillir des personnes sur leur sol pourraient verser une somme compensatoire. 

L’introduction du statut S pour les Ukrainien·ne·s n’est censée accorder qu’une protection temporaire. Toutefois, après cinq ans, il peut être automatiquement converti en autorisation de séjour (permis B) et ne devrait donc pas être renouvelé chaque année. Ce permis B issu de l’ancien statut S ne serait valable que jusqu’à ce que le Conseil fédéral révoque la protection. L’incertitude liée au retrait de l’autorisation subsisterait donc. Au cours de la nouvelle législature, la transformation du statut de séjour pourrait devenir un sujet politique.

En plus des questions d’asile, la Suisse doit faire face à d’autres défis importants dans le domaine de la migration. La pénurie persistante de main-d’œuvre qualifiée en Suisse est un sujet politique de haute importance. Selon l’indice de pénurie de main-d’œuvre qualifiée de l’université de Zurich et d’Adecco, cette dernière atteint un niveau record, en particulier dans les secteurs de la santé, de l’informatique et des métiers traditionnels de la construction. Deux instruments permettent de remédier à cette situation. D’une part, le potentiel existant de main-d’œuvre nationale peut être utilisé. D’autre part, les besoins du marché du travail peuvent être couverts par des travailleurs qualifiés venant de l’étranger. Selon le rapport du Conseil fédéral de mars 2022 en réponse au postulat 19.3651, la Suisse procédera à des adaptations quantitatives et qualitatives des conditions d’admission afin d’améliorer le processus d’autorisation pour les personnes étrangères. Le Conseil fédéral a principalement augmenté faiblement certains contingents et réduit de manière marginale les exigences de qualité dans certaines branches. Si la pénurie devait persister, le Parlement pourrait être appelé à y remédier une nouvelle fois avec d’autres mesures, toujours en tenant compte de la priorité des travailleurs indigènes. En juin 2023, l’UDC a lancé “l’initiative pour le développement durable” et a commencé à collecter des signatures. L’objectif et le but de cette initiative sont de limiter la croissance démographique de la Suisse. Si la récolte des signatures devait aboutir et l’initiative être acceptée par le peuple suisse, elle aurait des implications négatives sur la libre circulation et la capacité de la Suisse à recruter de la main-d’œuvre étrangère.